Golden Globes 2020 : Les hommes, toujours les hommes

Comme chaque année, le mois de décembre marque le début de la saison des cérémonies ou « award season », qui dure jusqu’à fin février et est rythmée par les nombreuses cérémonies récompensant les meilleurs films de l’année. Entre Golden Globes, BAFTA, Oscars et bien entendu Césars, nous voilà occupés pendant les trois prochains mois !

Cette saison est d’abord marquée par les nominations aux différentes cérémonies ; dimanche et lundi ont été annoncées celles des Critic Choice Awards et des Golden Globes. Nous allons nous intéresser particulièrement aux Golden Globes, plus connus auprès du grand public et ouvrant généralement la voie aux Oscars.

Depuis l’annonce des nominations des Golden Globes lundi, la cérémonie fait beaucoup parler d’elle pour la simple et bonne raison qu’une fois de plus, les femmes sont totalement oubliées, surtout dans la catégorie du meilleur réalisateur. Comme l’a si bien dit Natalie Portman en 2018 en présentant cette catégorie, « Here are the all men nominees » : Martin Scorsese pour The Irishman, Quentin Tarantino pour Once Upon a Time… in Hollywood, Bong Joon-ho pour Parasite, Sam Mendes pour 1917 et Todd Philipps pour Joker.

Cinq nommés, cinq hommes, zéro femme. Finalement, les réalisatrices sont bien (trop) habituées à être mises à l’écart dans cette catégorie, puisqu’en 77 éditions de la cérémonie, seulement 5 femmes ont été reconnues pour leur talent de réalisation : Jane Campion pour La leçon de Piano, Sofia Coppola pour Lost in Translation, Kathryn Bigelow pour Démineurs et Barbra Streisand à deux reprises. Cette dernière est d’ailleurs la seule à avoir eu l’honneur de remporter cette récompense grâce à Yentl en 1984. La dernière réalisatrice nommée fut Ava DuVernay en 2015 pour Selma.

Cependant, nous aurions pu penser que les choses allaient enfin changer cette année ; bien que le nombre de films réalisés par des femmes a toujours été relativement bas, les femmes ont dominé le box-office 2019. Entre La Reine des Neiges 2, coréalisé par Jennifer Lee, et son large succès aussi bien aux États-Unis qu’en France, Queens de Lorene Scafaria, qui a dépassé les 100 millions de dollars de recette, ou encore Booksmart d’Olivia Wilde, qui a rencontré un énorme succès sur Netflix. Au-delà du succès commercial, de nombreux films indépendants ont été salués par la critique et accueillis par les plus grands festivals. Nous pouvons citer l’Adieu de Lulu Wang, The Nightingale de Jennifer Kent qui a reçu le prix du jury à Venise, ou Honey Boy d’Alma Har’el. Cette dernière a d’ailleurs tweeté à la suite de l’annonce des nominations des Golden Globes, où nous ne retrouvons, contre toute attente, son film dans aucune catégorie.

Bonjour à tout le monde qui m’écrit à propos des #goldenglobes. Je vous comprends mais entendez cela. J’étais « dedans » pour la première fois cette année. Ils ne sont pas des nôtres et ils ne nous représentent pas. Ne recherchez pas de la justice dans le système des « prix ». Nous sommes en train de construire un monde nouveau.

Il semble essentiel de préciser que, pour la première fois dans l’histoire de l’industrie du cinéma, la part de films réalisés par des femmes a atteint entre 12 et 14 % du top 100 du box-office américain. Les femmes ont, à la fois, dominé le box-office mais ont également été acclamées par la presse, comme nous pouvons le voir sur le célèbre site de critiques Rotten Tomatoes :

Nous ne dénigrons pas les films des réalisateurs nommés dans cette catégorie, il est seulement fondamental de remarquer qu’objectivement, cette année, un grand nombre de films acclamés par le public et la critique a été réalisé par des femmes. Il est complètement aberrant qu’aucune d’entre elles n’ait la possibilité d’être récompensée et reconnue pour son travail. Cela en devient presque embarrassant pour les Golden Globes qui, il y a 2 ans seulement, se sont affirmés comme un espace de soutien aux femmes de l’industrie et du mouvement Time’s Up. Rappelons-le, de nombreux invités s’étaient alors vêtus de noir lors de la cérémonie, cérémonie qui, aujourd’hui, n’arrive même pas à nommer une femme dans la catégorie du meilleur réalisateur. À croire qu’il est plus facile d’honorer une femme lorsqu’elle est victime de son sort et non actrice de sa propre carrière.

De nombreuses personnalités en noir sur le tapis rouge de la cérémonie en 2018 (Valerie Macon/AFP/Getty Images)

Le collectif Time’s Up n’a pas hésité à remémorer l’aspect historique de cette année cinématographique, où il y a eu, d’une part, deux fois plus de films mettant en avant des femmes que n’importe quelle autre année auparavant, et d’autre part, de plus en plus de femmes réalisatrices. Néanmoins, à travers ces nominations, difficile de voir autre chose que des femmes encore une fois négligées. « This year, there have been twice as many women-led features than ever, with more films by female directors on the way. And yet, as today’s nominations show, women – and especially women of colour – continue to be pushed to the sidelines by a system that holds women back, onscreen and off. » « The omission of women isn’t just a Golden Globes problem – it is an industry-wide crisis, and it’s unacceptable, » she continued. « TIME’S UP will continue to fight until talented female directors get the opportunities and recognition they deserve. »

De nombreuses personnes espéraient que deux ans après Lady Bird, Greta Gerwig serait enfin nominée pour meilleure réalisatrice avec sa nouvelle adaptation des Quatre Filles du Docteur March qui a été très positivement accueillie aux USA. Cela n’a bien évidemment pas été le cas. Il faut comprendre que, même si le président de l’Hollywood Foreign Press Association (chargée de voter pour les Golden Globes), Lorenzo Soria, s’obstine à répéter que l’association vote un film sans faire attention au genre du réalisateur, « What happened is that we don’t vote by gender. We vote by film and accomplishment« , le sexisme est bel est bien présent.

Si les votes se faisaient réellement sans considération du genre, Greta Gerwig aurait, en 2018, été nommée dans la catégorie meilleure réalisatrice, puisque son film Lady Bird a gagné le Golden Globe du meilleur film dans la catégorie comédie/musical. Néanmoins, bien qu’elle soit devenue la 5ème femme de l’histoire à être nommée aux Oscars en tant que meilleure réalisatrice, elle avait été complètement délaissée aux Golden Globes.

Greta Gerwig sur le tournage de Lady Bird

Ce schéma récurrent est désolant sachant que les Golden Globes sont devenus, officieusement, le premier prédicteur, influenceur des nominations aux Oscars, comme l’a écrit Mary Mc Namara dans le Los Angeles Times. Il est temps de définir « meilleur » autrement que par des standards masculins, de la même façon que la cérémonie s’émancipe depuis peu du tableau très blanc de ses #OscarsSoWhite.

« With any luck, this is the year when Oscar voters, a much bigger and more diverse group, see the Globes lists as more time machine than template. With any luck, all the other awards voters will realize that just as #OscarsSoWhite made it clear that it was time to stop defining “best” by standards that begin with “about white people” it’s time to look beyond standards that begin with “about men” »

Mary Mc Namara dans le Los Angeles Times

Toutefois, parmi les cinq films nommés dans la catégorie du meilleur film étranger, deux ont été réalisés par des femmes dont notre chère Céline Sciamma avec son exceptionnel Portrait de la jeune fille en feu, en espérant que ces films soient récompensés, aux Golden Globes ou aux Césars.

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