Décryptage du genre « Rape and Revenge » au cinéma

TRIGGER WARNING, AVERTISSEMENT : violences sexuelles, viols

Origine et caractéristiques du genre

Le rape and revenge est un sous-genre cinématographique, qui peut être affilié au cinéma d’exploitation, au cinéma d’horreur, au thriller ou au cinéma pornographique. Le scénario repose sur un ou plusieurs viol(s), suivi(s) de la vengeance de la victime ou de ses proches1.

© La cinémathèque française

Ce sous-genre trouve son origine dans le film suédois La source réalisé en 1960 par Ingmar Bergman. Le réalisateur remporte alors l’Oscar du meilleur film étranger en 1961. Ce film fixe certaines des premières caractéristiques du genre; notamment avec sa construction en trois temps : le viol, le retour, la vengeance. Il instaure aussi que la vengeance peut être portée par un tiers. 

Le scénario doit être construit en plusieurs parties pour appartenir au genre du rape & revenge. Dans la première partie, la protagoniste est violée sauvagement et laissée pour morte mais finit par s’en sortir. La seconde partie bascule sur son besoin de vengeance où elle commettra le meurtre de son ou ses agresseur(s), et ce généralement de manière cathartique et sanglante. 

Très controversé, le sous-genre du rape & revenge est-il misogyne ou féministe?

Ce genre a souvent été caractérisé de misogyne car historiquement, de nombreux films dits rape & revenge ont été réalisés par des hommes. De fait, la question du male gaze, ou regard masculin (qui désigne le fait que la culture visuelle dominante, ici le cinéma, impose au public d’adopter une perspective d’homme hétérosexuel2) est automatiquement soulevée, d’autant plus qu’il s’agit ici de scènes de violences sexuelles. 

Cette misogynie et ce male gaze sont aussi présents à travers la vengeance féminine. Même si à travers ces films, les femmes deviennent les héroïnes, elles ont, pendant longtemps, été filmées sous le regard du fantasme masculin. La femme doit rester un objet sexuel que l’homme cherche à dominer. 

Les scènes de viol aussi sont souvent controversées, surtout lorsqu’elles sont fondées sur les codes misogynes, rendant les violences sexuelles érotiques à l’écran. Ce mélange mêlant érotisme et violence vient dès lors troubler les repères moraux du spectateur. On retrouve même cette dualité dans le terme de rape and revenge3.

A l’inverse, il peut aussi être vu comme un genre féministe. Contrairement au torture porn4 qui, par définition, implique des histoires dramatiques, souvent désespérées et rarement avec un « happy end » où une ou plusieurs personnes se retrouve(nt) à la merci de sadiques pervers, dans les films dits rape and revenge, les victimes et les bourreaux échangent leurs rôles. Il se présente aussi comme une source d’inspiration pour le cinéma mainstream ou la femme serait à la fois héroïne et criminelle (Kill Bill, Thelma et Louise, etc.)5.

Les nouveaux codes du rape & revenge

#SPOILERS

Exemples de films réalisés par des femmes :

Matilda Lutz dans Revenge (2017)
© 2017 M.E.S. PRODUCTIONS – MONKEY PACK FILMS – CHARADES – LOGICAL PICTURES – NEXUS FACTORY – UMEDIA
  • Revenge réalisé en 2017 par Coralie Fargeat

La réalisatrice n’accepte qu’à moitié la dénomination de rape & revenge pour son film. Elle préfère comparer son film à Kill Bill de Quentin Tarantino, où le film raconte une simple vengeance. Coralie Fargeat construit dans la première partie de son film une caricature du regard masculin. Ici, la scène de viol est rapide et non explicite, il n’y a aucun érotisme suggéré. Débute alors une transition qui introduira la seconde partie du film : la vengeance de Jen. Pendant cette séquence, l’héroïne perd le contrôle et devient une victime, elle y est rendue responsable de son viol de par son attitude dite “aguicheuse”. On y décèle une critique implicite de la cutlure du viol. « Ce n’est pas à elle de changer, mais au regard des autres »6, a expliqué Coralie Fargeat au magazine i-D.

Sorti dans la foulée des mouvements #MeToo et #balancetonporc, ce film a de suite incarné une valeur politique est féministe. Cependant, il n’y a que très peu d’ancrage à la réalité ce qui rend sa critique d’autant plus difficile à déceler. Néanmoins, elle rend sa condamnation encore plus impactante lorsqu’elle choisit d’accorder au film sa seule scène (presque) réaliste à la toute fin. Pendant 10 minutes, l’héroïne et son amant se retrouvent dans une course poursuite à savoir qui va tuer l’autre en premier. On aperçoit en fond les images d’une émission de télé-achat où se succèdent des femmes objets. C’est alors que Richard (l’amant de Jen) réplique “Vous, les femmes, il faut toujours que vous fassiez des putains d’histoires”, en référence à l’actualité. Représentation d’une société violente envers les femmes.

Les films féministes se doivent-il d’être politiques pendant toute leur durée?
La scène finale de 10 minutes ne fait-elle pas davantage résonance à son féminisme en se positionnant comme le seul point d’ancrage avec la réalité de tout le film.

Carey Mulligan dans Promising Young Woman (2020)
© IMDb
  • Promising Young Woman réalisé en 2020 par Emerald Fennell

Ce dernier film devrait sortir sur nos écrans dès la réouverture des salles. Cassie, jeune femme hantée par un traumatisme passé, s’en prend à des hommes prédateurs qui ont le malheur de croiser sa route7. Ici encore, le viol est volontairement suggéré et mis en ellipse. Il reste cependant l’élément déclencheur de la vengeance de Cassie. Elle ne massacre pas ses proies mais se contente de les effrayer et de les humilier. Inspiré du genre rape & revenge, sa réalisatrice participe à la construction de ces nouveaux codes qui feront de nos prochains films de vengeance une réelle “arme culturelle post #MeToo”8.


1Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rape_and_revenge
2Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Regard_masculin 
3Source : https://www.20minutes.fr/cinema/2215955-20180206-revenge-rape-and-revenge-retour-genre-tres-controverse-cinema
4Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Torture_porn
5D’après l’ouvrage de Noël Burch, De la beauté des latrines : pour réhabiliter le sens au cinéma et ailleurs
6Source : https://i-d.vice.com/fr/article/xw5yqq/revenge-la-vengeance-gore-et-feministe-qui-manquait-au-cinema-francais 
7Source : https://www.premiere.fr/film/Promising-Young-Woman
8Source : https://www.elle.fr/Loisirs/Cinema/News/Des-films-rape-and-revenge-sont-ils-feministes-3901284   


Webographie

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